Cambodge
Kep
sur mer,le 16.03.2012
Il semblerait que notre
paresse n'ait plus de limite,après un rapide conseil de famille
décidons de passer une journée supplémentaire dans la paisible
petite bourgade de Kep sur mer. Une journée à fondre comme neige au
soleil à ne rien faire si ce n'est se laisser porter par le temps
qui égrène tranquillement heures et minutes avant que le soleil
déclinant à l'horizon nous annonce un nouveau jour à écrire au
passé. Une journée où je me suis trouvée confrontée aux démons
féminins de l'achat compulsif. Depuis bientôt 20 mois sur les
routes,mes besoins bien souvent se confinent au nécessaire et à
l'essentiel,pas de place dans mes valoches pour le superflu et pas
forcément l'opportunité de trouver ce qui me ferait franchement
plaisir. Mais voilà,l'Europe bientôt va venir à moi sous la forme
d'Anaïs et sa petite famille,l'occasion rêvée pour me faire
ramener les choses qui me manquent lorsque j'y pense et justement
aujourd'hui j'y pense. La technologie de notre monde moderne est si
bien faite qu'il me suffit de mon fidèle net book pour acquérir,via
l'achat en ligne,les produits capillaires de la marque Sebastian,
qui en ce jour me semblent presque nécessaires à ma survie,je
pianote,je cherche,cela me prendra des heures avant que je ne
localise les produits convoités,que je puisse loger ma
commande,comment choisir tout me fait envie,je sélectionne
ajoute,enlève,en même temps que le temps passe irritation et
frustration augmentent de même que ma liste qui commence à être
longue comme le bras,mais qu'importe je réussis enfin à finaliser
le tout. Grand et pur moment de bonheur et d'euphorie,qui typique des
achats compulsifs sera rapidement suivi par un sentiment de
consternation,qu'ai-je fait,ai-je vraiment besoin de tout cela et
maintenant que me voilà la tête sortie de mon ordinateur,je peux
enfin visualiser tous les flacons à n'en pas douter encombrants et
lourds qui devront prendre place à bord de mon bucéphale,je frémis
en pensant à la juste réaction de ma moitié devant tant
d'irrationalité. Fébrile je retourne à ma liste,annulant une
partie de mes achats et ne conservant que ce que j'estime être le
strict minimum. Devant les questions de Patrick je reste mutique et
quelque peu honteuse,j'attends avec impatience le petit message qui
me confirmera noir sur blanc que mes égarements ne furent pas
définitifs!!!! On a beau dire,on a beau faire,liberté d'errance ou
pas,je reste une femme et je ne peux empêcher les démons de la
consommation de venir de temps à autres me titiller et
m'ensorceler,mesdames,vous voilà donc rassurées, je fais toujours
bien partie de la même race que vous!!!!
Takeo,le
17.03.2012
Etape:
105 kms
Je peine à trouver le
sommeil,mon esprit n'arrive à trouver le repos et cogite,décidément
mon incursion dans le monde de la consommation,celui de nos envies,de
nos besoins réels, m'a laissé interrogative et telle une usine à
gaz,ma cervelle bouillonnera longuement. Questions éternelles,qui
sans doute ne trouveront jamais de réponses,il suffit juste
d'arriver à trouver un bon équilibre dans tout cela et le petit
clic de ma souris me libérera du poids de mes inquiétudes(commande
annulée)jusqu'à la prochaine fois!!!!! Au petit matin le ciel
semble s'être mis au diapason de mes errances mentales,orage
accompagné de pluies torrentielles,apportant une fraîcheur
bienvenue qui ne sera que de brève durée.
L' inactivité devenant mère
de tous les vices,c'est ravie et légère comme une plume que je me
remets au guidon de mon bucéphale précédé par un poussin qui
exulte pour nous élancer sur cette route qui toujours nous
appelle,qui toujours nous procure ce bonheur ineffable,ce sentiment
de liberté extrême et de plénitude,alors même si parfois quelques
frustrations émaillent ma vie quotidienne qu'importe,car,malgré
tous les artifices dont nous maquillons nos vies et nos
personnes,nous courons tous vers une destinée commune, vieillesse,
décrépitude,mort. Quelqu'un me dit un jour que peut-être
l'éternité consistait à être assise jusqu'à la fin des temps
avec comme seule possession le livre de ma vie que je n'aurais de
cesse de lire et relire,depuis je m'efforce d'en remplir les pages
afin de ne pas m'ennuyer le moment venu.
Plus habitués à la charge de
nos destriers,les premiers coups de pédale sur une petite route
rurale bosselée et raccommodée se font hésitant et louvoyant. Un
trafic quasiment inexistant,une campagne dans son ensemble assoiffée
mais qui a retrouvé pour un temps quelque verdeur grâce aux pluies
providentielles de l'aube,cocotiers,manguiers,rizières déjà
moissonnées qui n'attendent que la saison des pluies pour pouvoir
renaître à la vie. Campagne peu habitée,de temps à autre un
patelin, maisons en tek sur pilotis rudimentaires,qui pour beaucoup
ne connaissent pas encore le confort de l'électricité bien
étriquées pour y abriter la vie désargentée de familles
nombreuses. Dans les champs rôtis par le soleil,nombreux troupeaux
de zébus tellement faméliques que je me demande par quel miracle
ils réussissent à tenir debout sur leurs quatre pattes et plus
encore à effectuer les lourdes tâches qui leurs sont assignées.
Une pauvreté bien réelle qui ne rime pas avec désespoir ou
tristesse,une population belle et enjouée qui nous hèle
cordialement lors de notre passage,n'hésite pas à s'approcher de
nous, curieuse, pour un brin de conversation,ici le contact est
facile et spontané,douceur d'une population qui vit au rythme
indolent de tous les pays écrasés par une chaleur accablante,ils
doivent tous nous considérer comme des dingues à pédaler sous ce
cagnard sans concession,suant,dégoulinant,langue pendante,nous ne
sommes pas loin de penser comme eux.
Le calme de notre balade
bucolique est parfois interrompu par la traversée d'un village de
plus grande importance,marché local,boutiques,gargotes qui nous
permettent de nous sustenter malgré notre manque d'appétit,échoppes
où nous trouvons le précieux liquide nous évitant le dessèchement
total,dans l'une d'elle on m'y offrira une belle et grosse mangue.
Malgré la fatigue qui commence sérieusement à se faire jour au gré
des kilomètres,mes fesses(mon shorty proche de la loque n'arrange sans doute rien) qui jamais ne semble-t-il ne s'habitueront
à de long stage sur ma selle carnivore,je me sens heureuse d'avoir
retrouvé un monde paisible dans lequel évoluer. Les panneaux
indicateurs ne sont pas légion et trouver notre chemin, un challenge
comme bien souvent,le nombre de kilomètres s'allongent au delà de
ce que nous avions estimé,je nous soupçonne d'avoir une fois de
plus pris la route d'enfants faisant l'école buissonnière.
Joyeuse
animation,une brochette de poulettes maquillées à outrance,hélant le
quidam de passage,marchands ambulants à bord de charrettes tirées
par des zébus,marché nous annoncent en fin d'après-midi les
faubourgs de Takeo,enfin!!!!
Takeo,petite ville
lacustre(40'000) habitants, moderne dans sa périphérie, son coeur
une ancienne bourgade coloniale française,quelques belles maisons y
témoignent d'une époque révolue,un beau petit marché,l'endroit me
semble tout ce qu'il y a de plus plaisant. Bordée au nord par un
grand lac et une immense zone inondable dans l'est. Nous trouvons un
petit guest,chambre simple,une terrasse avec vue sur le lac,ses
rizières verdoyantes,champs de lotus,une rivière et ses barques de
pêcheurs colorées.
Nous retrouvons la saine fatigue d'une bonne
journée de pédalage,avec la fraîcheur relative qui s'installe une
fois la nuit tombée,nous sommes affamés comme des loups,trouver
notre pitance une fois de plus,le parcours du combattant(il y a des
jours où j'ai le sentiment de ne faire que pédaler et chercher à
manger),mais nous ne serons pas déçus par notre trouvaille,des
pâtes de riz froides,accompagnée d'une sauce aigre douce,de plantes
aromatiques et de morceaux de porc. Dommage qu'une attaque en règle
de moustiques,nous gâche les plaisirs de ce succulent repas.
Après un rapide conseil de
famille,nous décidons de laisser nos bucéphales dans notre petit
guest de Takeo,afin de nous rendre dans la capitale pour effectuer
nos tâches administratives.
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