Asie
Centrale: L'Ouzbékistan
Vallée
de Fergana
Un
Gut,le 2.10.2011
Etape:
83 kms
Un dernier petit déjeuner en
compagnie de Farhod et Rano,les photos de famille rituelles avant de
reprendre la route en direction de la vallée de Fergana. En
remontant sur mon vélo je sens comme un vent de liberté souffler,le
voyage a à nouveau droit à toute sa place,notre visa chinois en
poche la voie est libre pendant plusieurs mois. Toutes les questions
qui m'assaillaient au cours de ces derniers jours,l'hiver,le
froid,les cols à passer.... s'envolent comme par enchantement et je
ne suis qu'au bonheur de retrouver mon vélo et ma vie d'errance et
toutes ses inconnues,je retrouve toutes les incertitudes dont est
fait mon quotidien depuis 14 mois déjà,l'excitation de la
découverte est toujours aussi présente.
La ville de Tachkent
n'est définitivement pas une belle ville mais j'en garderai un bon
souvenir,la gentillesse de sa population et la chaleur de son
accueil. Un dernier petit tour au bazar pour changer au marché noir
,l'argent dont nous aurons besoin au cours de ces prochains
jours,toujours aussi impressionnant le nombre de billets que nous
recevons pour les 50 malheureux € échangés.
Aujourd'hui dimanche,la
population, comme dans toutes les capitales du monde ,a déserté la
ville,vers des lieux plus paisibles, et les grands boulevards sont
quasiment exemptes de toute circulation,un vrai bonheur sous ce
soleil éclatant.
Une fois la banlieue
quittée,nous retrouvons rapidement la campagne et la route menant
vers la vallée de Fergana. Tandis que je pédale le long des grands
boulevards,un minibus m'interpelle me demandant d'où je viens et où
je vais avant de me tendre un billet de 1'000 SOUM ce n'est certes
pas grand chose mais le geste est tellement touchant,il en fait de
même en rejoignant Patrick qui bien évidemment caracole en tête du
peloton comme si il avait le feu au cul!!!!!
Après une
mise en patte de quelques kilomètres le petit déjeuner s'impose,
camsa(rissole fourrée à la viande et aux oignons ou
pomme-de-terre)et un bon thé revigorant,et là deuxième cadeau de
cette journée,le tout nous est offert avec un grand sourire,il nous
faut de l'énergie pour la route.
La vallée de
Fergana,grenier de l'Ouzbékistan,large plaine,entourée au nord par
la chaîne de montagne des Tian Shan et la Pamir Alay au sud. Région
la plus peuplée du pays avec ses 9 millions d'habitants,dont 90%
d'Ouzbeks,et la plus industrielle deux facteurs qui sont à l'origine
du brouillard qui bien souvent dissimule les pics majestueux des
chaînes montagneuses alentours,ce sera malheureusement le cas lors
de notre passage. Bénéficiant d'un climat idéal,irriguée par la
rivière Syr-Darya,la vallée est une énorme oasis,avec certains des
sols les plus riches de toute l'Asie Centrale,pays du fruit et du
coton. La vallée a toujours été au centre de nombreuses révoltes
contre les tsars tout d'abord puis les bolchéviques. En 1990 a donné
naissance à des mouvements islamistes extrémistes en Asie
Centrale,un des point névralgique de la contrée la présence
policière et militaire,multipliant les contrôle tout au long de la
route y est importante.
Pour ce jour de reprise la
route plate et plutôt en bon état dans son ensemble nous emmène à
travers la vaste plaine au sein de paysage ruraux composés
principalement de champs de cotons et vergers,les kilomètres
défilent aisément,nos arrêts sont bien souvent ponctués de
sympathiques rencontres,il est difficile de rester seuls plus de 2
minutes,dans ce pays.
Sans que nous nous en
rendions vraiment compte les journées se sont brutalement
raccourcies de 2 heures et à 17 h il est temps de songer à trouver
un logis pour la nuit. Patrick interpelle sur le bord de la route un
homme avec son bébé dans les bras,ce dernier nous demande de
patienter un instant tandis qu'il va s'enquérir des possibilités au
près de sa femme,il s'en revient nous disant que nous pouvons dormir
chez lui. Nous y sommes accueillis par son épouse et ses 4 enfants,
adorable famille qui s'empresse de nous faire quelque place dans une
pièce bien douillette,où nous pouvons installer nos couches pour la
nuit. Tandis que le père s'en est allé nous restons en compagnie de
la famille,la maman nous apporte pain et soupe revigorante,passons
encore un moment en compagnie de tous ces enfants remuants et curieux
avant de nous enfouir au fond de nos duvets pour un repos bien
mérité!!!!
Kamchik,le
3.10.2011
Etape:
78 kms
Ce matin au réveil le
temps est plutôt mitigé,les températures sont beaucoup plus
fraîches,l'automne prend ses aises et semble vouloir s'installer
définitivement,quelques nuages larmoyants et un vent fort peu
sympathique. Nous retrouvons la même plaine que la veille,ses champs
de coton,de maïs,quelques vignobles,pommiers,noyers et autres
fruitiers,troupeaux de moutons et de vaches. Bien que suffisamment
large la route est circulante, principalement des camions
transportant gaz, voitures tout droit sorties de l'usine
d'Andidjan,les Ouzbeks plutôt bienveillants,mais tout de même
râlant de se trouver au sein de beaux paysages campagnards et de
devoir se colleter avec la pollution tant olfactive que sonore. Les
paysages sont bien souvent magnifiques,mais la région est une zone
sensible et les panneaux interdisant toute photographie sont
légion!!!!! Vive la démocratie!!!! Une étape toute en montées et
faux plats. Les terres s'appauvrissent,une vaste plaine désertique
flanquée de collines arides et pelées qui bientôt cède la place
à un grand lit de rivière presque totalement asséchée,bordée
d'arbres aux belles couleurs automnales. Sur les bords de la route
quelques étals vendant fruits de saison,pain et autres produits
alléchants. Nous sommes stoppés net dans notre élan,lorsque
apparaît devant nous l'amorce du Kamchik Dov,col culminant à 2287 m
d'altitude. La journée est déjà bien avancée,ne connaissant pas
la longueur du col,nous préférons remettre son ascension au
lendemain. Un beau verger de pommiers,une petite cahute faite de bric
et de broc,l'endroit semble tout indiqué pour une bonne nuit de
repos. Nous y sommes accueillis par une dame toute en rondeurs et
avenante,un bon thé revigorant, et sous un pommier un lit qui nous
servira de couche pour la nuit. Une fin d'après-midi tranquille,une
soirée des plus fraîche,notre hôtesse nous offrira un bon bol de
plov avant que je ne me réfugie dans mon duvet toute
grelottante!!!!! Je sens que l'hiver va être dur!!!!
Chinobod,le
3.10.2011
Etape:
81 kms
Une nuit en
demie-teinte dans le bruit infernal de la circulation,les camions
préférant comme à leur habitude rouler la nuit. Dès le saut du
lit le col est là qui m'attend et à peine ai-je posé les fesses
sur mon bucéphale que je suis accueillie par le panneau annonçant
la pente à 12 %,je n'ai plus qu'à m'y attaquer,la chaleur est bien
présente et l'effort de taille,la montée est cependant régulière
et une fois le rythme trouvé,il suffit de le tenir. Le panneau
annonçant les distances de nos futures destinations aurait quelque
tendance à me couper la chique!!!! Alors que nous sommes arrêtés
pour une pause casse-croûte,un homme bien intentionné veut
absolument nous offrir une immense pastèque,aucun doute possible il
n'a jamais posé les fesses sur un vélo, nous ne sommes pas au bout
de nos peines la montée est encore longue. Notre opiniâtreté
finira par payer,nous arrivons en vue d'un premier tunnel gardé par
des militaires en faction,contrôle de passeport comme il se doit,
longue hésitation de ma part,avant de m'engouffrer dans ce boyau
sombre et inquiétant,gaz d'échappement et voiture ne roulant pas
toujours avec discernement ont quelque tendance à m'angoisser,au
final le tunnel n'est que de 1 km,il semblerait que je n'aie pas
vraiment le choix et c'est fortement encouragée par le militaire que
je me lance, appuyant comme une forcenée sur les pédales,à
l'assaut de cet obstacle,un ouf de soulagement tout de même lorsque
je me retrouve à l'air libre. La grimpette continue et oh rage oh
désespoir voilà que se pointe un deuxième tunnel et ses militaires
en faction,nous sommes bons pour un nouveau contrôle de passeport et
moi pour une nouvelle bouffée d'angoisse,mais cette fois-ci le
tunnel est moins long et ne laisse pas place à l'hésitation. La
sortie du tunnel marque la fin du col,bienvenu au Kamchik Dov,20 kms
de grimpettes et avec toute cette flicaille à l'affût impossible
d'effectuer notre cliché rituel!!!!! Partie avec quelques craintes
quant à ma capacité à atteindre le sommet,je me sens toute fière
et heureuse de cet accomplissement!!!! Parfois, il ne faut pas grand
chose pour se sentir heureux!!!!
La suite de l'étape ne sera
qu'une longue et douce descente,cheveux au vent sur mon bucéphale
aux roues chantantes,un vrai bonheur!!!! Un événement cependant
m'attristera fortement,alors qu'un gigantesque troupeau de moutons en
transhumance précédés de deux ânes,s'apprête à traverser la
route,une voiture roulant à folle allure percute les deux ânes qui
s'envolent dans les airs. Alors que s'engagent les palabres entre
conducteur et berger nous quittons les lieux tout inquiets quant au
sort des pauvres animaux.
Après des kilomètres de
paysages désertiques,nous retrouvons en même temps que la platitude
de la route,la vie rurale qui reprend tous ses droits,canaux
d'irrigation,vergers,champs et troupeaux,petits villages aux marchés
animés. Nous ferons une petite halte,dans celui de Pun Jar,un bazar
des plus animés,qui en plus de tous les produits habituels fait
étal d'une quantité astronomique de pain divers et variés tous
plus appétissants et beaux les uns que les autres. A voir la
quantité d'automobilistes qui y font halte,cela m'a tout l'air de
faire partie des spécialités locales. L'occasion de quelques belles
rencontres avant de poursuivre notre route jusqu'au village de
Chinobod. Nous arrivons en même temps que la sortie des classes et
nous sommes rapidement envahis par toute la marmaille villageoise
caquetante et curieuse,les femmes ouzbek de vraies poules pondeuses
et leurs enfants sont en règle générale fort
sympathiques,intéressés,respectueux,un vrai plaisir que de passer
un moment en leur compagnie. Tandis que je joue les mères
poules,Patrick s'enquiert en même temps qu'il joue les ménagères
aguerries,d'un éventuel logis pour la nuit. La marchande ne semblant
pas comprendre sa demande,dans un éclair de génie,il sort
l'appareil photo afin de lui montrer les précédentes familles où
nous avons créché,un énorme sourire illumine alors sa face ronde
et même si de ce côté là elle ne peut rien pour nous,elle refuse
alors catégoriquement que nous payions pour les courses
effectuées,nous sommes presque gênés par tant de gratitude. Entre
alors en scène le voisin,propriétaire du magasin d'en face,qui nous
propose un local attenant pour y installer nos couches et nos
bucéphales. Non content de nous offrir le gîte,il nous emmène
chez-lui dans sa grande et belle maison campagnarde où nous faisons
la connaissance de sa nombreuse famille,fils,belle-fille,enfants tous
vivent sous le même toit,les valeurs familiales ont encore toute
leur importance en Ouzbékistan. Les femmes,reines du foyer sans qui
rien ne se passe s'occupent de nous préparer des seaux d'eau chaude
pour une douche dont nous n'aurions osé rêver avant de faire
apparaître sur la table,fruits,gâteaux,chocolat,pain et autres
gourmandises,nous faisons honneur comme il se doit à toutes ces
succulentes choses et je suis à deux doigts de m'étrangler lorsque
l'on nous annonce un plov comme plat de résistance,je n'en peux déjà
plus,mais ne saurai tout de même pas résister à ce bon plat de
riz. La fatigue de l'étape,le côté prenant de toutes ces relations
mettent mon énergie à rude épreuve et je n'ai plus qu'une hâte
rejoindre ma couche. Bien que très fatiguée je n'arrive cependant
pas à trouver le sommeil,la nuit me trouve agitée,trop de
nourritures et d'émotions,je repasse dans ma tête toutes les
rencontres et événements de la journée et si mon compagnon tombe
rapidement dans le sommeil de mon côté j'ai besoin d'un moment
certain pour digérer mon repas et surtout laisser le temps à toutes
mes émotions de se décanter. La nuit,le seul moment de la journée
où je peux vraiment goûter à la solitude,un instant où je peux me
retrouver vraiment seule avec moi-même,loin de toute
sollicitation!!!!!! La route donne énormément mais elle prend aussi
beaucoup et bien souvent il faut faire abstraction de ses propres
désirs, être à l'écoute de l'autre afin de répondre aux attentes
de tous ceux qui sont prêts sans nous connaître à tout nous
donner!!!!!!
Boz,le
4.10.2011
Etape:102
kms
Un vent tempétueux soufflera
tout au long de la nuit faisant trembler les murs et hurler les
arbres,je frémis dans notre lit à l'idée de devoir une fois de
plus affronter les fureurs d'Eole. Le vent a mis un bémol dans sa
chanson,mais grisaille et froid sont bien présents au réveil,les
nuages laissent augurer de quelque pluie,les villageois qui semblent
bien connaître leur météo nous jurent leur grand dieu que ce ne
sera pas pour aujourd'hui. Notre ami nous invite dans sa maison pour
un copieux petite déjeuner,et nous devons lourdement insister pour
larguer les amarres,tous seraient heureux de nous garder plus
longuement....
Une route plate, un Eole
plutôt bien intentionné,nous l'aurons dans les fesses quasiment
tout au long de cette étape. C'est jour de marché dans la grande
ville de Qo'qon (Kokand),sur la route nous croiserons maintes
attelages rustiques,carrioles remplies de vaches,moutons tirés par
des ânes ou des chevaux,je me sens heureuse comme une môme devant
un délicieux gâteau. Le pays est pauvre et les petits métiers de
survie existent encore en Ouzbékistan,vendeurs de cigarettes à
l'unité,paysannes avec ses 3 légumes et herbettes,aiguiseurs de
couteau.... tous ces petits métiers disparus depuis bien longtemps
maintenant chez-nous. Alors que nous sommes pris d'une immense
fringale,une dame et sa petit chariote débordant de casseroles
fumantes feront notre bonheur,elle vend soupe,riz,raviolis. La soupe
est excellente et est agrémentée du petit plus qui fait toute la
différence lorsque notre dame nous offrira un ravioli pour
l'accompagner.
Nous quittons les faubourgs de
Kokand et retrouvons rapidement la campagne similaire à celle des
journées précédentes. La journée sera ponctuée de diverses
rencontres,de quelques thés offerts,de beaucoup d'Atkuda(d'où tu
viens),incroyable on dirait que les Ouzbeks tiennent des statistiques
sur la provenance des étrangers visitant leur pays,bien souvent les
voitures ralentissent le temps de nous demander d'où l'on vient
avant de repartir à plein gaz,du bord de la chaussée les villageois
nous saluent d'un d'où tu viens plutôt que d'un asalam aleykum,nous
l'avions déjà expérimenté dans bien d'autres pays mais là c'est
de la folie!!!!
Alors que nous sommes
une fois de plus arrêtés et en train de manger une vieille Lada
pétaradante s'arrête au près de nous,un homme fort sympathique en
sort,après le rituel d'où tu viens,il nous demande si l'on parle le
français,devant notre réponse affirmative,il appelle sa compagne de
route,émerge alors de la voiture,une petite dame toute ronde et
souriante qui s'avance vers nous et nous salue dans un français des
plus chatoyant,nous en restons comme deux ronds de flan,c'est
Iroda,professeur de français dans une université d'Andijan,ville
qui se trouve à quelques 100 kms de là. Adresse et téléphone
notés sur un bout de papier,nous sommes invités à lui rendre
visite dès le lendemain. Promesse et au-revoir,elle nous laisse
complètement incrédules sur le bord de la route,qu'il est beau le
hasard des rencontres.
Nous sommes en fin
d'après-midi,et lorsque nous arrivons à Boz,ville campagnarde de
65'000 habitants,nous décidons que notre route s'arrêtera là pour
aujourd'hui. Nous n'avons même pas le temps de nous enquérir d'un
logis: un homme vient à notre rencontre et c'est dans un anglais
quelque peu hésitant,qu'il nous invite à passer la nuit chez-lui.
Une grande maison comme il se doit,femme,soeur,belle-sœur sont
présentes lors de notre arrivée et dans un premier temps l'accueil
semble un peu mitigé et nous ne nous sentons guère à l'aise,de
plus notre hôte est un peu lourd et agit de manière étrange,il a
en fait exagéré sur la boisson et s'en excusera rapidement. La
glace est rompue,les femmes retrouvent le sourire et leur sens
profond de l'accueil. Tandis que nous goûtons et devisons,c'est un
long défilé de voisins qui commence,ils viennent faire connaissance
avec les étrangers qui ont fait irruption dans leur quartier,parmi
eux,une jeune infirmière,Gulruh, s'exprimant dans un anglais
parfait,s'ensuivra un débat animé sur les conditions de vie de la
femme en Ouzbékistan,toutes semblent émues lorsque j'exprime mon
opinion sur la dureté de leur réalité sociale,leur servitude,la
violence domestique qui semble être très présente..... Gulruh est
tellement heureuse que nous soyons là qu'elle demandera à sa mère
de nous préparer des manty(délicieux raviolis farcis à la courge).
Alors que nous sommes en train de nous coucher,une des femmes
reviendra pour m'offrir une belle paire de chaussettes bien chaudes
et un foulard,me serrant à n'en plus finir dans ses bras,des larmes
plein les yeux,que dois-je y comprendre???? Un élan de solidarité
féminine????
Encore une journée chargée en
émotions qui me laissera pour un temps à tourner en rond dans mon
lit douillet,complètement insomniaque.
Ca fait du bie de te lire Chantal ! Grâce à toi ma pause midi du boulot se transfome en un petit séjour de sourire et de souvenir. Quand je te lis j'ai des flash back de voyage, la Géorgie, la Roumanie...
RépondreSupprimerWen