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Le vrai domicile de l'homme n'est pas une maison mais la route,et la vie elle-même est un voyage à faire à pied. Bruce Chatwin

mardi 25 octobre 2011

Asie Centrale:L'Ouzbékistan Un Gut-Kamchik-Chinobod-Boz du 2 au 4.10.2011


Asie Centrale: L'Ouzbékistan

Vallée de Fergana

Un Gut,le 2.10.2011
Etape: 83 kms
Un dernier petit déjeuner en compagnie de Farhod et Rano,les photos de famille rituelles avant de reprendre la route en direction de la vallée de Fergana. En remontant sur mon vélo je sens comme un vent de liberté souffler,le voyage a à nouveau droit à toute sa place,notre visa chinois en poche la voie est libre pendant plusieurs mois. Toutes les questions qui m'assaillaient au cours de ces derniers jours,l'hiver,le froid,les cols à passer.... s'envolent comme par enchantement et je ne suis qu'au bonheur de retrouver mon vélo et ma vie d'errance et toutes ses inconnues,je retrouve toutes les incertitudes dont est fait mon quotidien depuis 14 mois déjà,l'excitation de la découverte est toujours aussi présente.
La ville de Tachkent n'est définitivement pas une belle ville mais j'en garderai un bon souvenir,la gentillesse de sa population et la chaleur de son accueil. Un dernier petit tour au bazar pour changer au marché noir ,l'argent dont nous aurons besoin au cours de ces prochains jours,toujours aussi impressionnant le nombre de billets que nous recevons pour les 50 malheureux € échangés.
Aujourd'hui dimanche,la population, comme dans toutes les capitales du monde ,a déserté la ville,vers des lieux plus paisibles, et les grands boulevards sont quasiment exemptes de toute circulation,un vrai bonheur sous ce soleil éclatant.
Une fois la banlieue quittée,nous retrouvons rapidement la campagne et la route menant vers la vallée de Fergana. Tandis que je pédale le long des grands boulevards,un minibus m'interpelle me demandant d'où je viens et où je vais avant de me tendre un billet de 1'000 SOUM ce n'est certes pas grand chose mais le geste est tellement touchant,il en fait de même en rejoignant Patrick qui bien évidemment caracole en tête du peloton comme si il avait le feu au cul!!!!!










Après une mise en patte de quelques kilomètres le petit déjeuner s'impose, camsa(rissole fourrée à la viande et aux oignons ou pomme-de-terre)et un bon thé revigorant,et là deuxième cadeau de cette journée,le tout nous est offert avec un grand sourire,il nous faut de l'énergie pour la route.
La vallée de Fergana,grenier de l'Ouzbékistan,large plaine,entourée au nord par la chaîne de montagne des Tian Shan et la Pamir Alay au sud. Région la plus peuplée du pays avec ses 9 millions d'habitants,dont 90% d'Ouzbeks,et la plus industrielle deux facteurs qui sont à l'origine du brouillard qui bien souvent dissimule les pics majestueux des chaînes montagneuses alentours,ce sera malheureusement le cas lors de notre passage. Bénéficiant d'un climat idéal,irriguée par la rivière Syr-Darya,la vallée est une énorme oasis,avec certains des sols les plus riches de toute l'Asie Centrale,pays du fruit et du coton. La vallée a toujours été au centre de nombreuses révoltes contre les tsars tout d'abord puis les bolchéviques. En 1990 a donné naissance à des mouvements islamistes extrémistes en Asie Centrale,un des point névralgique de la contrée la présence policière et militaire,multipliant les contrôle tout au long de la route y est importante.
Pour ce jour de reprise la route plate et plutôt en bon état dans son ensemble nous emmène à travers la vaste plaine au sein de paysage ruraux composés principalement de champs de cotons et vergers,les kilomètres défilent aisément,nos arrêts sont bien souvent ponctués de sympathiques rencontres,il est difficile de rester seuls plus de 2 minutes,dans ce pays.
Sans que nous nous en rendions vraiment compte les journées se sont brutalement raccourcies de 2 heures et à 17 h il est temps de songer à trouver un logis pour la nuit. Patrick interpelle sur le bord de la route un homme avec son bébé dans les bras,ce dernier nous demande de patienter un instant tandis qu'il va s'enquérir des possibilités au près de sa femme,il s'en revient nous disant que nous pouvons dormir chez lui. Nous y sommes accueillis par son épouse et ses 4 enfants, adorable famille qui s'empresse de nous faire quelque place dans une pièce bien douillette,où nous pouvons installer nos couches pour la nuit. Tandis que le père s'en est allé nous restons en compagnie de la famille,la maman nous apporte pain et soupe revigorante,passons encore un moment en compagnie de tous ces enfants remuants et curieux avant de nous enfouir au fond de nos duvets pour un repos bien mérité!!!!










Kamchik,le 3.10.2011
Etape: 78 kms
Ce matin au réveil le temps est plutôt mitigé,les températures sont beaucoup plus fraîches,l'automne prend ses aises et semble vouloir s'installer définitivement,quelques nuages larmoyants et un vent fort peu sympathique. Nous retrouvons la même plaine que la veille,ses champs de coton,de maïs,quelques vignobles,pommiers,noyers et autres fruitiers,troupeaux de moutons et de vaches. Bien que suffisamment large la route est circulante, principalement des camions transportant gaz, voitures tout droit sorties de l'usine d'Andidjan,les Ouzbeks plutôt bienveillants,mais tout de même râlant de se trouver au sein de beaux paysages campagnards et de devoir se colleter avec la pollution tant olfactive que sonore. Les paysages sont bien souvent magnifiques,mais la région est une zone sensible et les panneaux interdisant toute photographie sont légion!!!!! Vive la démocratie!!!! Une étape toute en montées et faux plats. Les terres s'appauvrissent,une vaste plaine désertique flanquée de collines arides et pelées qui bientôt cède la place à un grand lit de rivière presque totalement asséchée,bordée d'arbres aux belles couleurs automnales. Sur les bords de la route quelques étals vendant fruits de saison,pain et autres produits alléchants. Nous sommes stoppés net dans notre élan,lorsque apparaît devant nous l'amorce du Kamchik Dov,col culminant à 2287 m d'altitude. La journée est déjà bien avancée,ne connaissant pas la longueur du col,nous préférons remettre son ascension au lendemain. Un beau verger de pommiers,une petite cahute faite de bric et de broc,l'endroit semble tout indiqué pour une bonne nuit de repos. Nous y sommes accueillis par une dame toute en rondeurs et avenante,un bon thé revigorant, et sous un pommier un lit qui nous servira de couche pour la nuit. Une fin d'après-midi tranquille,une soirée des plus fraîche,notre hôtesse nous offrira un bon bol de plov avant que je ne me réfugie dans mon duvet toute grelottante!!!!! Je sens que l'hiver va être dur!!!!














Chinobod,le 3.10.2011
Etape: 81 kms
Une nuit en demie-teinte dans le bruit infernal de la circulation,les camions préférant comme à leur habitude rouler la nuit. Dès le saut du lit le col est là qui m'attend et à peine ai-je posé les fesses sur mon bucéphale que je suis accueillie par le panneau annonçant la pente à 12 %,je n'ai plus qu'à m'y attaquer,la chaleur est bien présente et l'effort de taille,la montée est cependant régulière et une fois le rythme trouvé,il suffit de le tenir. Le panneau annonçant les distances de nos futures destinations aurait quelque tendance à me couper la chique!!!! Alors que nous sommes arrêtés pour une pause casse-croûte,un homme bien intentionné veut absolument nous offrir une immense pastèque,aucun doute possible il n'a jamais posé les fesses sur un vélo, nous ne sommes pas au bout de nos peines la montée est encore longue. Notre opiniâtreté finira par payer,nous arrivons en vue d'un premier tunnel gardé par des militaires en faction,contrôle de passeport comme il se doit, longue hésitation de ma part,avant de m'engouffrer dans ce boyau sombre et inquiétant,gaz d'échappement et voiture ne roulant pas toujours avec discernement ont quelque tendance à m'angoisser,au final le tunnel n'est que de 1 km,il semblerait que je n'aie pas vraiment le choix et c'est fortement encouragée par le militaire que je me lance, appuyant comme une forcenée sur les pédales,à l'assaut de cet obstacle,un ouf de soulagement tout de même lorsque je me retrouve à l'air libre. La grimpette continue et oh rage oh désespoir voilà que se pointe un deuxième tunnel et ses militaires en faction,nous sommes bons pour un nouveau contrôle de passeport et moi pour une nouvelle bouffée d'angoisse,mais cette fois-ci le tunnel est moins long et ne laisse pas place à l'hésitation. La sortie du tunnel marque la fin du col,bienvenu au Kamchik Dov,20 kms de grimpettes et avec toute cette flicaille à l'affût impossible d'effectuer notre cliché rituel!!!!! Partie avec quelques craintes quant à ma capacité à atteindre le sommet,je me sens toute fière et heureuse de cet accomplissement!!!! Parfois, il ne faut pas grand chose pour se sentir heureux!!!!
La suite de l'étape ne sera qu'une longue et douce descente,cheveux au vent sur mon bucéphale aux roues chantantes,un vrai bonheur!!!! Un événement cependant m'attristera fortement,alors qu'un gigantesque troupeau de moutons en transhumance précédés de deux ânes,s'apprête à traverser la route,une voiture roulant à folle allure percute les deux ânes qui s'envolent dans les airs. Alors que s'engagent les palabres entre conducteur et berger nous quittons les lieux tout inquiets quant au sort des pauvres animaux.
Après des kilomètres de paysages désertiques,nous retrouvons en même temps que la platitude de la route,la vie rurale qui reprend tous ses droits,canaux d'irrigation,vergers,champs et troupeaux,petits villages aux marchés animés. Nous ferons une petite halte,dans celui de Pun Jar,un bazar des plus animés,qui en plus de tous les produits habituels fait étal d'une quantité astronomique de pain divers et variés tous plus appétissants et beaux les uns que les autres. A voir la quantité d'automobilistes qui y font halte,cela m'a tout l'air de faire partie des spécialités locales. L'occasion de quelques belles rencontres avant de poursuivre notre route jusqu'au village de Chinobod. Nous arrivons en même temps que la sortie des classes et nous sommes rapidement envahis par toute la marmaille villageoise caquetante et curieuse,les femmes ouzbek de vraies poules pondeuses et leurs enfants sont en règle générale fort sympathiques,intéressés,respectueux,un vrai plaisir que de passer un moment en leur compagnie. Tandis que je joue les mères poules,Patrick s'enquiert en même temps qu'il joue les ménagères aguerries,d'un éventuel logis pour la nuit. La marchande ne semblant pas comprendre sa demande,dans un éclair de génie,il sort l'appareil photo afin de lui montrer les précédentes familles où nous avons créché,un énorme sourire illumine alors sa face ronde et même si de ce côté là elle ne peut rien pour nous,elle refuse alors catégoriquement que nous payions pour les courses effectuées,nous sommes presque gênés par tant de gratitude. Entre alors en scène le voisin,propriétaire du magasin d'en face,qui nous propose un local attenant pour y installer nos couches et nos bucéphales. Non content de nous offrir le gîte,il nous emmène chez-lui dans sa grande et belle maison campagnarde où nous faisons la connaissance de sa nombreuse famille,fils,belle-fille,enfants tous vivent sous le même toit,les valeurs familiales ont encore toute leur importance en Ouzbékistan. Les femmes,reines du foyer sans qui rien ne se passe s'occupent de nous préparer des seaux d'eau chaude pour une douche dont nous n'aurions osé rêver avant de faire apparaître sur la table,fruits,gâteaux,chocolat,pain et autres gourmandises,nous faisons honneur comme il se doit à toutes ces succulentes choses et je suis à deux doigts de m'étrangler lorsque l'on nous annonce un plov comme plat de résistance,je n'en peux déjà plus,mais ne saurai tout de même pas résister à ce bon plat de riz. La fatigue de l'étape,le côté prenant de toutes ces relations mettent mon énergie à rude épreuve et je n'ai plus qu'une hâte rejoindre ma couche. Bien que très fatiguée je n'arrive cependant pas à trouver le sommeil,la nuit me trouve agitée,trop de nourritures et d'émotions,je repasse dans ma tête toutes les rencontres et événements de la journée et si mon compagnon tombe rapidement dans le sommeil de mon côté j'ai besoin d'un moment certain pour digérer mon repas et surtout laisser le temps à toutes mes émotions de se décanter. La nuit,le seul moment de la journée où je peux vraiment goûter à la solitude,un instant où je peux me retrouver vraiment seule avec moi-même,loin de toute sollicitation!!!!!! La route donne énormément mais elle prend aussi beaucoup et bien souvent il faut faire abstraction de ses propres désirs, être à l'écoute de l'autre afin de répondre aux attentes de tous ceux qui sont prêts sans nous connaître à tout nous donner!!!!!!













Boz,le 4.10.2011
Etape:102 kms
Un vent tempétueux soufflera tout au long de la nuit faisant trembler les murs et hurler les arbres,je frémis dans notre lit à l'idée de devoir une fois de plus affronter les fureurs d'Eole. Le vent a mis un bémol dans sa chanson,mais grisaille et froid sont bien présents au réveil,les nuages laissent augurer de quelque pluie,les villageois qui semblent bien connaître leur météo nous jurent leur grand dieu que ce ne sera pas pour aujourd'hui. Notre ami nous invite dans sa maison pour un copieux petite déjeuner,et nous devons lourdement insister pour larguer les amarres,tous seraient heureux de nous garder plus longuement....
Une route plate, un Eole plutôt bien intentionné,nous l'aurons dans les fesses quasiment tout au long de cette étape. C'est jour de marché dans la grande ville de Qo'qon (Kokand),sur la route nous croiserons maintes attelages rustiques,carrioles remplies de vaches,moutons tirés par des ânes ou des chevaux,je me sens heureuse comme une môme devant un délicieux gâteau. Le pays est pauvre et les petits métiers de survie existent encore en Ouzbékistan,vendeurs de cigarettes à l'unité,paysannes avec ses 3 légumes et herbettes,aiguiseurs de couteau.... tous ces petits métiers disparus depuis bien longtemps maintenant chez-nous. Alors que nous sommes pris d'une immense fringale,une dame et sa petit chariote débordant de casseroles fumantes feront notre bonheur,elle vend soupe,riz,raviolis. La soupe est excellente et est agrémentée du petit plus qui fait toute la différence lorsque notre dame nous offrira un ravioli pour l'accompagner.
Nous quittons les faubourgs de Kokand et retrouvons rapidement la campagne similaire à celle des journées précédentes. La journée sera ponctuée de diverses rencontres,de quelques thés offerts,de beaucoup d'Atkuda(d'où tu viens),incroyable on dirait que les Ouzbeks tiennent des statistiques sur la provenance des étrangers visitant leur pays,bien souvent les voitures ralentissent le temps de nous demander d'où l'on vient avant de repartir à plein gaz,du bord de la chaussée les villageois nous saluent d'un d'où tu viens plutôt que d'un asalam aleykum,nous l'avions déjà expérimenté dans bien d'autres pays mais là c'est de la folie!!!!
Alors que nous sommes une fois de plus arrêtés et en train de manger une vieille Lada pétaradante s'arrête au près de nous,un homme fort sympathique en sort,après le rituel d'où tu viens,il nous demande si l'on parle le français,devant notre réponse affirmative,il appelle sa compagne de route,émerge alors de la voiture,une petite dame toute ronde et souriante qui s'avance vers nous et nous salue dans un français des plus chatoyant,nous en restons comme deux ronds de flan,c'est Iroda,professeur de français dans une université d'Andijan,ville qui se trouve à quelques 100 kms de là. Adresse et téléphone notés sur un bout de papier,nous sommes invités à lui rendre visite dès le lendemain. Promesse et au-revoir,elle nous laisse complètement incrédules sur le bord de la route,qu'il est beau le hasard des rencontres.
Nous sommes en fin d'après-midi,et lorsque nous arrivons à Boz,ville campagnarde de 65'000 habitants,nous décidons que notre route s'arrêtera là pour aujourd'hui. Nous n'avons même pas le temps de nous enquérir d'un logis: un homme vient à notre rencontre et c'est dans un anglais quelque peu hésitant,qu'il nous invite à passer la nuit chez-lui. Une grande maison comme il se doit,femme,soeur,belle-sœur sont présentes lors de notre arrivée et dans un premier temps l'accueil semble un peu mitigé et nous ne nous sentons guère à l'aise,de plus notre hôte est un peu lourd et agit de manière étrange,il a en fait exagéré sur la boisson et s'en excusera rapidement. La glace est rompue,les femmes retrouvent le sourire et leur sens profond de l'accueil. Tandis que nous goûtons et devisons,c'est un long défilé de voisins qui commence,ils viennent faire connaissance avec les étrangers qui ont fait irruption dans leur quartier,parmi eux,une jeune infirmière,Gulruh, s'exprimant dans un anglais parfait,s'ensuivra un débat animé sur les conditions de vie de la femme en Ouzbékistan,toutes semblent émues lorsque j'exprime mon opinion sur la dureté de leur réalité sociale,leur servitude,la violence domestique qui semble être très présente..... Gulruh est tellement heureuse que nous soyons là qu'elle demandera à sa mère de nous préparer des manty(délicieux raviolis farcis à la courge). Alors que nous sommes en train de nous coucher,une des femmes reviendra pour m'offrir une belle paire de chaussettes bien chaudes et un foulard,me serrant à n'en plus finir dans ses bras,des larmes plein les yeux,que dois-je y comprendre???? Un élan de solidarité féminine????
Encore une journée chargée en émotions qui me laissera pour un temps à tourner en rond dans mon lit douillet,complètement insomniaque.












1 commentaire:

  1. Ca fait du bie de te lire Chantal ! Grâce à toi ma pause midi du boulot se transfome en un petit séjour de sourire et de souvenir. Quand je te lis j'ai des flash back de voyage, la Géorgie, la Roumanie...
    Wen

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