Asie
Centrale:L'Ouzbékistan
Vallée
de Fergana
Boutakara,du
6 au 8.10.2011
Etape:65
kms
Nous quittons
notre professeur d'anglais,qui pour un enseignant le parle plus que
vaguement,je me dis que le niveau d'étude est bien bas par moments
dans ce pays et sa petite famille sans oublier d'ajouter quelques
photos à notre galerie de portraits. Au cours de ces derniers jours
je ne compte plus toutes les rencontres et séparations,il y en a
tant que parfois cela confine presque à de la surconsommation,je
ressens le besoin de me poser,de prendre du recul de me vider
l'esprit et ranger mon coeur,mais ce ne sera pas pour aujourd'hui
puisque nous partons retrouver Iroda,notre professeur de français
rencontrée en cours de route.
Un magnifique soleil
et une route campagnarde,peu circulante au travers des paysages
habituels avant d'atteindre la ville d'Andidjan (350'000
habitants),la plus grande ville de la vallée de Fergana et sa Mecque
spirituelle,la plus pure ville ouzbek du pays et le meilleur endroit
pour observer les Ouzbek dans leur élément. Nous sommes toujours
aussi sollicités et gâtés tout au long de notre trajet,je pense
que si nous devions nous arrêter à chaque invitation,nous ne
parcourrions pas plus de 5 kilomètres par jour,incroyable. Avant de
nous rendre dans le village de Boutakara sis à quelques 10 kms de la
ville nous décidons d'un petit tour au bazar. Tandis que Patrick est
parti faire quelques achats et que je garde nos bucéphales,des
dizaines et des dizaines de personnes s'amassent autour de moi,j'ai
l'impression d'être une martienne débarquant tout droit de sa
planète,jeunes,vieux,femmes,enfants tous sont là à me poser des
questions pleines de bienveillances,poussant des cris
d'émerveillement à chacune de mes réponses,les gens se repassent
le mot et même si je ne comprends pas très bien la langue je peux
entendre notre histoire qui circule de bouche à oreille,du jamais
vu,Patrick lui-même se trouvera fort impressionné de me voir toute
petite au milieu de cette foule immense. Alors que nous sommes assis
sur le trottoir à manger notre grappe de raisins,c'est tout d'abord
un homme qui nous apportera un pain,avant qu'un autre ne nous offre
pains et boissons,nous en sommes ébahis,mais nous ne sommes pas au
bout de notre surprise,c'est bientôt une assiette pleine d'un
succulent plov qui nous est offert,à peine croyable,nous en sommes
tout chamboulés. Une vraie leçon d'humilité,il faut dire qu'elles
sont quotidiennes dans ce pays,j'espère juste que nous sommes de
bons élèves!!!!
Le seul
moyen de couper court à tous ces épanchements est la fuite en avant
dans la bonne humeur.
Boutakara ne fut pas trop
dur à trouver,cela devient un peu plus compliqué lorsqu'il s'agit
de trouver Iroda et une fois de plus nous pouvons compter sur la
bienveillance de la population,qui multipliera les coups de
téléphones afin de localiser notre amie. C'est bientôt une
Iroda,trépignante,excitée,un vrai rayon de soleil qui nous
accueille,elle commençait à douter de notre venue nous ayant
attendus durant toute la matinée. Elle vit en compagnie de sa
belle-mère,ses deux filles,Vazira et Nazira,son mari étant pour
l'heure absent,parti travailler en Russie afin d'améliorer le
quotidien de ses proches. Une grande maison en bois typique de la
région,aux pièces spacieuses et confortables,dotée d'une belle
cour intérieur,un verger,pommiers,grenadiers,des fleurs,une pergola
de vigne,un enclos et ses deux moutons,une cuisine extérieur et son
tandor(four à pain), l'endroit est magnifique,d'une propreté toute
helvétique,respire calme et sérénité. Elle est fière de nous
montrer tout cela.
Et comme c'est toujours le
cas en Ouzbékistan un bon accueil ne pourrait se passer des plaisirs
du ventre,la table croule sous l'abondance des produits
locaux,fruits,noix,pain,gâteaux.......... et que faire sinon honneur
à tant de bonnes choses. Iroda à l'instar des professeurs
rencontrés jusqu'à ce jour s'exprime parfaitement bien en
français,ses filles bien qu'un peu timides dans un premier temps
semblent vouloir suivre les traces de leurs mère. Toutes deux se
montrent heureuses de notre venue et ne savent que faire pour nous
faire plaisir. Quelques visites amicales du voisinage,nous sommes
invités par sa plus proche voisine au mariage de sa fille.
Invitation que nous refusons dans un premier temps,nous avons encore
beaucoup de route à parcourir jusqu'en Chine,mais Iroda insiste
tellement que nous finissons par céder pour son plus grand bonheur.
Soirée en
famille,Iroda est toute fière de nous préparer un succulent
plov,tandis que les filles courent et s'agitent pour que nous ne
manquions de rien. Comme partout en Ouzbékistan,pas d'eau courante
dans les maisons,la source est plus ou moins éloignée et c'est à
l'aide de seaux que le précieux élément est ramené dans les
chaumières,cela peut paraître étonnant dans des villes à
l'apparence modernes,comme si le 21 ème siècle n'avait pas encore
tout à fait frappé à la porte. Iroda nous fera chauffer un gros
chaudron d'eau et le bonheur est parfait lorsque nous sommes
propres,l'estomac plein et que nous pouvons nous glisser dans la
couche que nous a préparée la maîtresse de maison. Nous retrouvons
notre rythme de voyage et de croisière et nous couchons comme des
poules,il fait nuit à 19 h et cela ne nous gêne guère.
Dès mon réveil un
excellent petit déjeuner m'attend,et Iroda poussera même le vice
jusqu'à me beurrer mes tartines,cela fait une éternité que je
n'avais plus senti le goût du beurre. En ce moment notre amie ne
travaille pas,en quelques sortes des vacances,toutes les années,du
12 septembre à la fin octobre,les étudiants de toutes les facultés
du pays sont réquisitionnés pour la cueillette du coton. Si j'ai
bien tout compris,les villageois ne veulent plus s'adonner à cette
pénible tâche,n'étant payé que 100 SOUM(1€=3'300 SOUM) par kg
ramassé,les étudiants servent de main d'oeuvre rétribuée,l'état
subventionnant les salaires. Les professeur quant à eux doivent
également se rendre à tour de rôle dans les champs afin
d'organiser le travail. Iroda n'aime pas bien cela,le travail dans
les champs,mais elle n'a guère le choix,procédé qui fleure bon
l'ère communiste. Pour l'heure elle est pleine de projet et voudrait
nous emmener partout et que nous faisions connaissance avec tout le
monde.
Nous retournons à
Andidjan où nous rendons visite à sa grande soeur,hospitalisée
pour un problème d'hypertension,cette dernière nous reçoit avec
des larmes plein les yeux et me serre dans ses bras jusqu'à m'en
étouffer,je me sens émue jusqu'au fond des tripes. En
Ouzbékistan,pour qui se fait soigner dans des hôpitaux
gouvernementaux,les soins sont gratuits,les patients ne payent que
les médicament,mais la qualité de ces derniers semblent laisser à
désirer. La soeur d'Iroda est hospitalisée dans une petite clinique
privée,une chambre style clapier à lapin dotée de deux lits et à
voir l'infirmière qui se pointe la seringue à la main,sans même un
plateau et la manière dont est installée la perfusion, complètement
archaïque, de la voisine,je ne miserai pas beaucoup plus sur la
qualité de ces soins-ci!!!!! Toute l'équipe médico-infirmière se
réunit autour de nous,tout heureuse de voir des étrangers leur
rendre visite,nous sommes invités à partager leur repas,nous
déclinons et ma foi nous restons un peu comme des idiots,lorsque
l'on nous demande ce qu'ils pourraient faire pour améliorer la
qualité des soins.
Nous nous rendons
ensuite à l'hôpital psychiatrique,Iroda aimerait nous le faire
visiter. Étonnamment l'endroit est entouré d'un vaste jardin et
respire le calme et la tranquillité,des infirmières ramassent les
feuilles d'automne en compagnie de quelques patients. Renseignement
pris nous ne pouvons pas visiter l'endroit sans une autorisation
dûment signée par le médecin chef,nous abandonnons l'idée.
Nous retrouvons ensuite
l'ami d'Iroda,celui qui l'accompagnait lorsque nous nous sommes
rencontrés sur la route et ce dernier nous invitera au
restaurant,avant qu'il ne nous raccompagne à la maison.
Un heureux moment de
répit avant que ne débute tout le cérémoniel de mariage,qui
n'aura lieu que demain. En ce jour tous les villageois,hommes femmes
confondus,famille,amis,voisins(un monde fou)s'adonnent à la
préparation du mariage,ils viennent rendre visite à la
famille,apportent,nourriture et cadeaux,l'occasion pour tous de se
réunir et surtout de manger. La mariée qui est dans sa chambre en
compagnie de ses amies fait de brèves apparitions afin de saluer
chaque nouvel arrivant. De notre côté,nous sommes submergés par
les paroles de bienvenue,les questions,nous sommes
entourés,chouchoutés,Iroda à nos côtés en parfaite interprète
ce qui permet de pouvoir satisfaire à la curiosité de tout un
chacun. Nous serons installés à une table et là c'est l'orgie qui
commence,les plats se succèdent,riz
préparé
de manières
diverses,salades,soupes,bonbons,gâteaux,chocolat,fruits....tout
cela servi
dans le désordre,je suis complètement dépitée, de me retrouver
avec devant le nez une soupe de mouton fumante,lorsque je viens enfin
de terminer le dessert!!!!! Après plusieurs heures de ce traitement
je me sens complètement gavée,je n'en peux plus,mon estomac va
exploser et j'ai les neurones en surchauffe,mais Iroda est tellement
heureuse que nous soyons là.
Que se passe-t-il du côté
des futurs mariés,et bien le fiancé est chez-lui dans sa maison où
se déroule le même rituel. Plus tard dans la soirée,fiancé et
mollah se rendront dans la maison de la fiancée et ces derniers
seront mariés religieusement en présence de quelques proches.
Nous pouvons enfin nous
esquiver,retrouver quelque calme dans le beau jardin
d'Iroda,impossible de se coucher de suite,notre ventre est bien trop
plein pour cela.
Mariage proprement dit
Au cours des grandes
cérémonies familiales ce sont les hommes qui sont chargés de la
préparation de la nourriture. Patrick a rendez-vous dès 6 h du
matin pour la prise de quelques clichés.
En ce jour ce sont tout
d'abord les hommes puis les femmes et enfin les jeunes qui se rendent
à tour de rôle dans la maison de la mariée,et c'est rebelote,le
grand banquet tout aussi fourni que la veille,je vous passe les
détails.
La mariée revêtue de
sa magnifique robe blanche,est tant et si bien fardée qu'elle
ressemble à une poupée Barbie. Elle est resplendissante,le marié
viendra la retrouver et le mariage civile a lieu. Le marié s'en
retourne chez-lui et ce sont les festivités qui commencent. Place à
la musique,un orchestre qui chante et qui joue,pour payer les
musiciens,chacun est invité à danser,le public paye les danseurs,
argent qui servira à rétribuer les musiciens. L'après-midi se
poursuivra ainsi entre musique,nourriture. Nous sommes encore et
toujours sollicités de toutes parts,discours,danses,photos......
En fin d'après-midi,il
est l'heure pour la mariée de quitter la maison de ses parents,comme
dans beaucoup de pays musulmans,lorsqu'une fille se marie,elle va
vivre en compagnie de sa belle-famille. Recouverte d'une grande cape
verte et le visage cachée,elle est entourée de ses proches et tous
pleurent à chaudes larmes. Instant difficile de la séparation,moment
des plus émouvant me rappelant toutes les séparations vécues au
cours de toute ma vie,je ne suis pas loin des larmes moi aussi.
La mariée prend place
dans un petit bus en compagnie de quelques proches,tandis que nous
autres invités montons à bord d'un bus afin de l'accompagner dans
sa nouvelle demeure. Le bus surchargé s'ébranle au son des tambours
et des trompettes,fort heureusement le marié n'habite pas
loin....... Là elle est accueillie par sa belle-mère,qui
lui offre en guise de bienvenue un pain et de l'eau. Le marié arrive
ensuite revêtu d'une sorte de robe de chambre, il chargera la
nouvelle épousée tel un sac de patate sur son épaule et la portera
dans sa chambre,où l'attend son trousseau de jeune mariée,nouvelle
garde-robe,linge de maison,meubles........ Je retrouverai la belle
toute de blanc vêtue,gisant sur un coussin telle une poupée
désarticulée,le nez et les yeux rougis par les pleurs,elle est
cachée derrière un rideau et passera là,les 3 prochains jours de
sa vie,mis à part les quelques instants où son mari l'accompagnera
pour de courtes balades dans la cour. Durant les 40 jours suivants il
sera interdit au nouveau couple de quitter la maison familiale.
La famille étant
conservatrice la mariée ne peut se joindre à la fête qui se
poursuit,pour nous,nouveaux discours,danses tandis que nous
continuons à manger. Bientôt pour notre plus grand soulagement
Iroda nous donne le feu vert pour le départ,malgré la fatigue de
toutes ces sollicitations,ce furent des moments intenses qui
resterons gravés pour longtemps dans notre mémoire,tant de
générosité,de gentillesse,de disponibilité.......... Avant de
rejoindre la maison un dernier petit détour,vers la maison d'un
artisan potier local,qui sera tout fier de nous montrer ses oeuvres.
Dernière soirée en
compagnie d'Iroda,qui déjà se sent triste de notre départ et se
met en devoir de nous préparer nos provisions pour la route,nous
sommes obligés de la stopper sinon elle nous offrirait tout son
garde-manger. Nous repartirons tout de même les sacoches pleines
d'excellentes victuailles,confitures maison,noix,compote de
poivrons,amandes,oeufs,pain,gâteau,sa belle maman nous préparera un
pot de poudre de noix sucrée(énergie pour la route à
venir)!!!!!!!!!
Après une excellente
nuit de sommeil l'heure des adieux a sonné,et c'est non sans
tristesse que nous quittons cette merveilleuse famille. Iroda serait
prête a nous accompagné jusqu'en ville distante de quelques 12 kms
tandis Nazira et Vazira affichent des mines toutes affligées.
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